Espagne : itinéraire à pied à travers les charmes de Baeza.

Publié le : 21 octobre 202010 mins de lecture

Naviguant dans une mer d’oliviers, perchés sur leurs collines respectives, proches mais différentes, les joyaux du patrimoine mondial que sont les villes d’Ubeda et de Baeza contrastent avec leur riche menu architectural sur un manteau vert qui couvre toute la Sierra de Cazorla et de Mágina, donnant naissance chaque jour au « grand fleuve », le Guadalquivir. Ces terres, ces villes, ce climat… invitent le voyageur à ressentir les expériences vécues par Antonio Machado, étant professeur dans un lycée de Baeza. Le maître de la poésie castillane avait l’habitude de se promener autour du point de vue en contemplant le Guadalquivir quand il était encore enfant. « Campo de Baeza, je rêverai de toi, quand je ne te verrai pas » lit le poème de Machado. Úbeda et Baeza, ainsi que Cazorla, sont notre proposition de voyage. Le cœur de Jaén. Une destination adaptée à toute période de l’année, toujours avec quelque chose de bon à offrir.

Baeza

A peine le vouloir, en venant de Bailén, la route conduit dans une ville qui accueille avec un olivier, comme il ne pouvait en être autrement. Le chemin de la rue qui accueille  mène bientôt à une large promenade bordée d’arbres avec des arcades des deux côtés. Le centre névralgique de Baeza s’appelle Plaza de la Constitución. Dès cette première rencontre, on absorbe une première dose de ce qui va dominer toute notre route de Baezana. Le nom de l’architecte Andrés de Vandelvira sera repris à maintes reprises par les guides de voyage et sur les affiches installées aux portes des nombreux monuments fiers d’avoir jadis quitté l’esprit du brillant artiste, qui a sa plus grande exposition à Jaén.

Baeza est un magnifique site médiéval où ont été intégrés des sculptures et des monuments de différentes époques. Des styles complémentaires qui donnent à la ville un vernis esthétique avec lequel elle a gagné la distinction de site du patrimoine mondial. À l’époque du royaume de Grenade, Baeza était la capitale d’une région aux prétentions provinciales. Les reconquêtes successives lui ont valu le surnom de « Nido Real de Gavilanes » (Nid d’épervier royal). Et l’abondance de ses terres en a fait un lieu privilégié pour l’hébergement des nobles et des seigneurs, rehaussant la beauté et le décorum des bâtiments. De grandes personnalités des lettres ont marché comme on le fait aujourd’hui dans les rues de Baeza. Non seulement Machado, mais aussi San Juan de la Cruz et San Juan de Ávila ont eu l’occasion de connaître la splendeur de Baeza dont l’université, toujours en activité aujourd’hui, est un témoignage. Une institution académique au prestige reconnu dans toute l’Espagne et un thermomètre du potentiel que cette ville de Jaén a atteint.

Les premiers pas dans la Baeza médiévale

Encouragés par l’histoire et invités par les rues rocheuses, on a commencé un parcours autour de Baeza qui amène à découvrir ses coins les plus impressionnants et anecdotiques. À côté de la Plaza de la Constitution, où on se rencontre, la Plaza de los Leones attire dans ses environs. Au centre, une fontaine avec quatre lions défigurés par le temps préside sur la place qui était le centre de la ville. Les pièces proviennent d’un peuplement périphérique. L’ancienne boucherie maintient ouverts les volets de l’étage supérieur, comme autrefois pour faire sécher les peaux des bovins abattus. Le reste des façades appartient à l’Audiencia Civil et aux Escribanías Públicas, connues par les Baezanos sous le nom de Casa del pópulo, et aujourd’hui elle abrite l’office du tourisme.

De la place, vous pouvez accéder à la vieille ville médiévale de Baeza par l’Arc de Villalar. On arrive immédiatement aux Atarazanas et au Vieux Marché, sur la place desquels les artisans regroupés en guildes ont ouvert leurs commerces ; ayant accueilli dans un autre temps même les corridas, avec privilège pour les plus notables, qui assistaient aux célébrations depuis le Balcon du Conseil. Une rue avec une certaine pente mène à la Cathédrale, mais avant cela on s’arrête à un bâtiment où l’ancien symbole de la victoire académique peint avec la rouille et le sang du taureau est répété avec d’autres emblèmes presque inintelligibles. C’est l’Université de Baeza, aujourd’hui l’un des sièges de l’Université internationale d’Andalousie, avec un large éventail de cours d’été. L’Université a été un centre d’enseignement supérieur de 1538, grâce à une bulle de Paul III, jusqu’en 1824, date à laquelle elle est passée à l’enseignement secondaire. Antonio Machado a enseigné la grammaire française pendant les sept années où il a vécu à Baeza, lorsqu’il a écrit « Les oliveraies grises » et « Les champs heureux de Baeza ».

Devant l’Université se trouve l’église romane de Santa Cruz, construite après la reconquête. Son intérieur vaut plus que son élégante façade. Des peintures des XVe et XVIe siècles donnent vie aux murs. Sur le chemin du retour, le Palais de Jabalquinto invite à faire une halte, une maison ayant appartenu à un cousin du roi Ferdinand le Catholique. Sa façade présente une ornementation civile de la période gothique, tandis que l’intérieur montre encore plus d’exubérance de la puissance noble, avec des colonnes de marbre et un escalier unique.

La fontaine de Santa Maria préside sur la place de la cathédrale. Ces travaux ont été l’aboutissement d’un projet pharaonique visant à approvisionner la ville en eau au XVIe siècle. Après avoir rafraîchi le gosier, on entre dans la confortable cathédrale de Baeza. Dès qu’on entre par la Porte de la Lune, la lumière invite à regarder le plafond, un des joyaux du bâtiment. Les colonnes ressemblent à des arbres dont les branches soutiennent les voûtes somptueusement décorées. Le retable et l’ostensoir augmentent la valeur du contenu. À la périphérie, la maison Cabrera ouvre ses portes, qui était autrefois le siège du conseil municipal.

Se baigner devant une mer d’oliviers

Entourant les murs de la cathédrale, les rues pavées mènent à une mer d’oliviers. Une promenade d’observation  laisse stupéfaits. Les chemins et la rivière traversent des oliveraies qui totalisent plus de soixante millions d’oliviers. Cette promenade a été le lieu d’inspiration et de repos de Machado. Pas étonnant, devant une image aussi accueillante. Sur le chemin du retour vers le centre médiéval, on passe devant plusieurs bâtiments intéressants. Aujourd’hui, certains sont des hôtels de luxe, d’autres sont des cours de voisins et le moindre est un manoir qui fait l’envie des voyageurs. En partant par la porte d’Úbeda, à côté de la tour de l’Aliatares, on descend à la recherche de notre point d’origine. Sur la gauche, on quitte la Tour de l’horloge, lieu de référence et de rencontre de Baezanos. Plus loin, à côté du nouveau marché, se trouvent les vestiges de l’église de San Francisco. Quelques poutres entrelacées donnent une idée de l’endroit où se trouvait l’immense voûte que Valdelvira a conçue comme un mouchoir tombé du ciel. Le tremblement de terre à Lisbonne l’a fait s’effondrer, ne laissant que deviner ce qu’il est devenu.

Une rue piétonne en forme de place permet de contempler la magnifique façade de l’hôtel de ville. Tenant les carreaux, des dizaines de têtes, toutes différentes, regardent avec colère le spectateur qui contemple la grande fresque qui orne la façade. Certains guerriers protègent l’œuvre, récemment restaurée. Dans la maison d’en face vivait Machado, dont le nom est resté à jamais lié à Baeza et à ses oliviers. Il reste à découvrir plusieurs monuments et coins de Baeza qu’il ne faut pas manquer. La rue principale (de San Pablo), un prolongement de la Plaza de la Constitución, permet de voir ce qui était autrefois les grandes maisons seigneuriales de la splendeur de Baeza. Le casino vous invite à monter les marches qui le séparent de la rue et montre comment se déroulait la vie sociale des riches. Sur le même trottoir, deux palais, dont un hôtel cinq étoiles, révèlent toute la splendeur que Baeza conserve dans ses maisons.

Dégustation de Baeza

La promenade a été intense, offrant un arrêt gastronomique, hautement recommandé par ailleurs. Dans la province de Jaén, il est d’usage de servir un apéritif à côté de la boisson servie dans les bars et les terrasses pour rafraîchir les assoiffés. À Baeza, on sert généralement des noisettes frites, bien que l’offre gastronomique soit très étendue et diversifiée dans ses différents restaurants et lieux où faire une halte. L’un d’eux se trouve sous la tour de l’horloge. Ici, ce n’est pas un mais deux amuse-gueule qui apaisent la faim et donnent au palais l’occasion de goûter les saveurs de Baeza, dont le principal aliment est l’huile d’olive.

Une fois qu’on aura retrouvé nos forces, on pourra poursuivre notre route. Ubeda et Cazorla attendent toujours notre visite. On pourra plutôt passer quelques heures à visiter un vieux moulin à huile en quittant la ville. Enfants et adultes apprennent à identifier les différentes sortes d’oliviers et découvrent comment le jus doré est extrait de ces humbles fruits, ce qui donne la force de poursuivre notre voyage.

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